Franz Fuiko

Cuisiner est un rituel d’exception

Franz Fuiko nous parle de la cuisine moderne, des aliments bio et de l’importance des plats de saison. Tout simplement parce que les produits locaux sont plus savoureux.

Monsieur Fuiko, si l’on en croit la préface de votre livre, «Geniesse den Tag» (Carpe diem), la nourriture représente pour vous l’une des activités les plus nobles. Pouvez-vous nous en dire plus?
Manger est à la fois indispensable et sensuel. Au-delà de l’ingestion de nourriture, c’est une activité familiale – une valeur qui me tient à cœur personnellement – et qui mérite le cadre adéquat. C’est un moment de pause, de partage. Les discussions (enrichissantes) sont les bienvenues à table, que ce soit avec des partenaires, des amis ou des êtres chers. Partager un repas renforce la cohésion, ce que j’apprécie; surtout avec le genre de vie trépidante que nous menons de nos jours.

La cuisine moderne a tendance à s’alléger et à mieux se digérer. Pourtant, un repas est censé rassasier – y a-t-il là un paradoxe?
En fait, oui. En se focalisant sur les calories, on risque de se priver des vecteurs de goût que sont le beurre ou la crème.
Bien entendu, cela ne signifie pas qu’il faille cuisiner gras. Les vecteurs de goût doivent être utilisés de manière ciblée pour développer les arômes en harmonie avec le plat et laisser aux produits leurs qualités d’origine – et manger à sa faim.

Cuisson basse température, à la vapeur, à induction, cuisine moléculaire… Laquelle de ces techniques a eu la plus grande influence sur votre style actuel?
Cela fait plus de 20 ans que ces techniques existent. La cuisson à la vapeur et basse température étaient des processus complexes à l’époque. Ces dernières années, les difficultés ont été balayées par des appareils innovants qui simplifient la préparation des repas. Personnellement, je ne pourrais imaginer me passer de la cuisson basse température ou vapeur. Ces techniques ont eu un réel impact sur mon approche de la cuisine.

Votre penchant pour les produits saisonniers ou régionaux est bien connu. L’agriculture et l’industrie alimentaire locales sont-elles en mesure de fournir ces produits frais dans la qualité voulue et en quantité suffisante?
Tant que les politiques ne fixent pas de limites, l’agriculture et l’industrie alimentaire locales peuvent tout à fait couvrir les besoins. Les entreprises font tout leur possible pour répondre à la demande et livrer une qualité satisfaisante, quitte à l’améliorer, satisfaisant ainsi aux attentes des clients – voire les surpassant. Par principe, j’achète local et je cuisine des mets de saison. Tout simplement parce que les produits sont plus savoureux, car arrivés à maturité. Et puis c’est une bonne chose de savoir d’où viennent les ingrédients. C’est une tendance noble, que suivent aussi les restaurants: opter pour les produits issus des environs, les cuisiner et les savourer sur place.


En tant que chef, quelle valeur accordez-vous à la formation culinaire et à l’éducation du palais?
Les consommateurs devraient s’informer davantage sur ce qu’ils mettent dans leur assiette. Ils devraient se détourner des supermarchés au profit des points de vente locaux: marché ou vente à la ferme. Ainsi, les gens retrouveraient leurs racines et sauraient ce qu’ils consomment.
En tant que chef, je me pose volontiers en ambassadeur. Je vis cet état d’esprit quotidiennement dans notre restaurant et j’aime séduire les convives avec des goûts savoureux en provenance de la région.

Quelles tendances identifiez-vous pour la fin de la décennie, et où vous projetez-vous dans cinq ans?
Je suis convaincu que la quête de produits d’origine locale et la traçabilité des aliments vont se développer – notamment pour contrecarrer la mondialisation à de nombreux niveaux. Les agriculteurs régionaux proposent des produits de qualité, un critère qui aura le vent en poupe. A l’avenir, je continuerai moi aussi de privilégier régionalisme et saisonnalité pour mes créations. Carpe diem!


Parcours de Franz Fuiko

Né en 1964 en Autriche, Franz Fuiko débute sa formation de cuisinier en 1979. Il fait ses armes à Vienne («Mattes»), à Marseille («Le Petit Nice»), sur le Vistafjord de la compagnie maritime Cunard Line, à Ischgl («Hotel Seespitz») ou encore à Vail/Colorado («Gramshammer»).
Depuis fin 2007, Franz Fuiko officie au Carpe Diem Finest Fingerfood, où ses bouchées raffinées séduisent les papilles. Ses cônes notamment constituent une alternative unique en leur genre à une cuisine gourmet traditionnelle servie dans l’assiette.

DISTINCTIONS
En 1987, il prend les rênes du «Mesnerhaus», à Mauterndorf (Autriche), dont il est également chef de cuisine, et décroche deux toques Gault Millau. En 1994, il est élu «Cuisinier de l’année» en Autriche.

INFORMATIONS
En mars 2014, Franz Fuiko a présenté son premier livre de cuisine «Geniesse den Tag» (Carpe Diem). L’ouvrage rassemble une centaine d’entrées, de plats principaux et de desserts. Illustré de magnifiques photos et d’aquarelles exceptionnelles, il est en vente dans les librairies des régions germanophones ainsi que dans son restaurant, situé à la Getreidegasse. Vous trouverez plus d’informations sur www.carpediem.com